Non, le « Numérique » n’a pas enterré le « Digital » !

cercueil

Temps de lecture : 3 minutes

Courant mars 2021, le Journal Officiel annonçait qu’il ne fallait plus employer le terme Digital mais le terme Numérique, souhaitant mettre un point final à un débat qui fait rage depuis des années à un point qui peut surprendre : lequel des deux termes doit-on utiliser ? Peut-on utiliser l’un et l’autre ? Les échanges à ce sujet agitent véritablement les réseaux sociaux. D’un côté : les défenseurs du terme Numérique, parmi lesquels les puristes de la langue française, pour qui le mot Digital se rapporte uniquement aux doigts et ne voient pas ce qui peut bien les lier au domaine du numérique. C’est d’ailleurs la position défendue par l’Académie Française et par la Commission d’enrichissement de la langue française qui a publié sa décision dans le Journal Officiel. De l’autre côté : les défenseurs du terme Digital, qui s’appuient entre autres sur le fait que la plupart des mots émergeant dans le domaine des nouvelles technologies sont des mots anglophones et que l’utilisation de celui-ci permet d’éviter de jongler entre plusieurs langues, en se focalisant principalement sur les termes anglais.

Mais la vérité est peut-être ailleurs. Dans un premier temps, il faut comprendre qu’aucun de ces deux mots n’avait le sens qu’on veut bien lui donner aujourd’hui. Car si le mot Digital renvoie effectivement aux doigts, celui Numérique renvoie, lui, aux mathématiques et aux statistiques. Peut-être alors que l’utilisation du mot Digital marque tout simplement l’évolution de la langue française qui suivrait celles technologiques. Car la langue française a toujours fluctué au gré de l’utilisation que l’on faisait d’elle, parfois de manière totalement imprévisible, et les exemples ne manquent pas concernant les mots dont le sens a évolué avec le temps. L’emploi du mot Pédagogie, par exemple, dans le domaine de la formation, ne pose a priori aucun problème alors que le mot renvoie à l’éducation des enfants et non à la formation des adultes (il faudrait utiliser le terme Andragogie pour les adultes). Le sens des mots change donc. Qui utilise encore le mot Viande pour désigner toute nourriture y compris les légumes, comme au Moyen-Âge ? Et qui qualifie encore de Formidable quelque chose qui lui inspire une très grande crainte, comme au XIXe siècle ?

« Il semble que le terme Digital se prête plus à la notion d’expérience utilisateur que le terme Numérique, plus lié au traitement informatique et aux technologies elles-mêmes »

D’aucuns diront que le choix du mot qu’ils emploient leur est totalement personnel et est une histoire de goût. Une autre théorie tend à considérer que l’emploi de chacun des deux termes est fonction du contexte, du message que l’on souhaite faire passer ou encore de l’interlocuteur en face duquel nous nous trouvons (évitons par exemple de parler de Digitalisation à nos grands-parents). Ainsi, parlerons-nous de supports numériques, d’outils numériques, d’industrie numérique, ou dirons-nous « LE numérique », lorsqu’il s’agit de placer la machine, l’ordinateur, au centre de la discussion. À l’inverse, nous parlerons d’expérience digitale, de marketing digital, de stratégie digitale, etc. lorsqu’il s’agit de placer l’utilisateur au cœur du sujet.

Revenons rapidement sur l’argument consistant à relier le mot Digital à l’utilisation des doigts. Si cet argument était audible il y a une quinzaine d’années, l’avènement d’outils tactiles comme les smartphones, tablettes, ajouté au recours aux claviers d’ordinateurs, semble maintenant donner tout son sens à l’utilisation de ce terme. Là encore, il semble que le terme Digital se prête plus à la notion d’expérience utilisateur que le terme Numérique, plus lié au traitement informatique et aux technologies elles-mêmes.

« Les opposants au terme Digital mèneraient dans leur démarche, un combat presque idéologique »

Enfin, si, en France, le mot Numérique a ses fervents défenseurs et que leur voix est légitime, il est intéressant d’observer que le mot Digital est celui qui est utilisé dans tous les autres pays du monde pour se référer à notre domaine. Alexandre Moatti, ingénieur en chef des Mines, chercheur associé à l’université Paris-Diderot, explique dans la revue Le Débat (n°188) que les opposants au terme Digital mèneraient dans leur démarche, un combat presque idéologique. « Il ne s’agit pas seulement de l’Académie française, explique-t-il, il s’agit surtout des milieux culturels de défense, non de la langue, mais de l’exception culturelle française : ainsi le Numérique serait-il maintenant partie intégrante d’une exception culturelle française, se dressant contre le terme Digital, symbole d’un prétendu combat mené par les géants américains de l’internet contre la culture française ».

Rappelons aussi, sans être taquin, que l’appui de l’Académie Française n’est pas synonyme de vérité. Il s’agit de la même académie qui refuse en bloc les anglicismes, les néologismes, la féminisation des métiers, celle qui veut remplacer le « week-end » par les « vacancelles », le shopping par le « magasinage » ou les « followers » par… les « acolytes des illustres ». Quant aux services de l’État, dont la Commission d’enrichissement de la langue française, elle propose également de remplacer le « DVD » par le « Disque Numérique Polyvalent », le « phishing » par le « filoutage » ou encore le « smiley » par la « frimousse ». Mais là encore, pas sûr que l’usage suive ces préconisations.


Nous avons également vu récemment que l’Académie Française avait tranché sur la question du genre du mot Covid. Selon elle, il ne fallait pas dire «  le Covid » mais «  la Covid ». Cependant, en délivrant l’information 5 mois après l’utilisation du terme par toutes les personnes francophones, il était déjà trop tard, et encore aujourd’hui une grande partie d’entre elles utilise le masculin pour désigner la maladie. Le phénomène peut en partie être comparé avec celui qui nous intéresse dans cet article, les gens utilisent le mot Digital et c’est comme ça.

« Nous assumons donc le choix de ce mot, à tel point que nous l’avons utilisé pour baptiser notre société »

Chez DNL Digital, nous avons choisi de parler de Formation digitale. Il ne s’agit pas là d’un choix idéologique et nous comprenons que certains auraient préféré le terme Numérique. Cependant, il nous semble plus simple d’utiliser ce mot car nous emploierons fréquemment d’autres notions anglophones qui n’ont pas vraiment d’équivalents français utilisés, tel que Blended Learning, E-Learning ou Learning Management System. Mais nous utilisons aussi le terme Numérique quand il nous semble plus approprié, par exemple pour désigner les outils numériques.


Comme mentionné dans ce billet, le terme Digital semble davantage propice au positionnement central de l’individu au cœur d’un projet, et c’est justement notre souhait. Nous assumons donc le choix de ce mot, à tel point que nous l’avons utilisé pour baptiser notre société. Cependant, nous espérons que vous comprendrez notre choix et qu’il ne vous sera pas trop désagréable. Quoi qu’il en soit, nous parlons bien tous de la même chose, et c’est bien là le principal.

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À propos de l'auteur :
Christopher DREAN-MORETTI
Christopher DREAN-MORETTI
Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
Christopher DREAN-MORETTI
Christopher DREAN-MORETTI
Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
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