N’oublions jamais la courbe de l’oubli !

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Temps de lecture : 4 minutes

Le cerveau reçoit une quantité folle d’informations chaque jour. Heureusement, il ne les enregistre pas toutes et la plupart d’entre elles sont rapidement effacées : une personne croisée dans la rue, un oiseau qui se pose sur le rebord d’une fenêtre, une phrase entendue à la radio, etc. Ces informations sont jugées inutiles et donc oubliées par notre cerveau.

La courbe de l’oubli d’Ebbinghaus

En 1885, Hermann Ebbinghaus, l’un des pères de la psychologie de l’apprentissage, a réalisé une expérience intéressante : dans un tout premier temps, il a créé une liste de 2300 mots totalement inventés, de type TUT, POL, BAT, TIC, etc. et a tenté de les mémoriser. Il s’est ensuite testé à divers intervalles de temps pour vérifier ce dont il se souvenait encore.

Le lendemain de son invention de mots, il ne se souvenait déjà que d’un tiers d’entre eux. Le 3e jour, il ne se souvenait que de 5% d’entre eux. Il a ainsi pu tracer une première courbe qu’il a baptisée la Courbe de l’Oubli et qui ressemblait à ça :

La courbe décroit très rapidement au début et décroit un peu plus lentement ensuite. La forme de la courbe peut varier selon plusieurs facteurs comme le type d’informations reçues, l’état de fatigue ou de stress au moment de l’apprentissage, etc. Mais en moyenne, la courbe de l’oubli ressemble plus ou moins à ça.

Notez bien que cette courbe de l’oubli correspond à une personne qui essaie avec force de se souvenir des informations qu’il a vu passer. Alors imaginez la courbe d’une personne qui n’essaie même pas de se souvenir et qui fait juste acte de présence, à un cours par exemple… Après cette première expérience, Ebbinghaus se pencha sur l’impact des révisions. Ainsi, il relut sa liste de mots inventés le lendemain de leur première lecture et constata que cette fois-ci, au 3e jour, il n’était plus à 5% de rétention ni même à 10% ou 20% mais il se souvenait des deux tiers des informations !

On peut alors constater que la forme de la courbe a changé. Si elle avait eu la même forme que dans l’expérience précédente, on aurait obtenu un taux de rétention situé entre 5 et 20% et non 66%. La courbe diminue donc beaucoup plus lentement après une révision. On oublie plus lentement.

L’intérêt des multiples révisions espacées

Dans la suite de son expérience, Hermann Ebbinghaus répéta ses révisions en tenant compte de la nouvelle forme de la courbe d’oubli obtenue à chaque fois. Il constata alors qu’il lui était pertinent d’espacer de plus en plus ses moments de révisions jusqu’à être capable de réciter toute sa liste de mots inventés (oui, les 2300, mais par groupes de 20 mots quand même).

C’est ainsi qu’il obtint cette courbe que nous utilisons encore 150 ans plus tard :

Dans ce graphique, les informations mémorisées sont représentées par la ligne rouge, leur taux de rétention baisse au bout de quelques minutes mais remonte aussitôt grâce à une répétition qui a lieu ici après 10 minutes. Puis la courbe rouge redescend jusqu’à la prochaine répétition, et à chaque fois de plus en plus lentement. La courbe rouge en pointillés représente ce qu’il se passerait si on ne passait pas par la prochaine répétition. Tandis que la courbe bleue indique la quantité minimale d’information mémorisées au fur et à mesure que l’on effectue de plus en plus de répétitions, c’est la courbe de l’apprentissage.

Il semble donc qu’avec suffisamment de répétitions, on obtienne une rétention des informations enregistrées quasiment parfaite, puisqu’après plusieurs répétitions espacées de manière intelligente et adaptée au flux d’informations à retenir, on arrive à stabiliser le taux de rétention autour de 95% ! À condition de partir de 100% et donc d’avoir tout fait pour retenir un maximum d’informations. Et ce n’est pas le seul obstacle à l’efficacité de la méthode d’apprentissage d’Ebbinghaus dès lors qu’on l’applique dans la vie réelle.

Et si l’apprenant révise trop tard ?

Que ce soit en formation ou dans le milieu scolaire, dès que les apprenants ont quitté la salle de formation, ou les élèves la salle de classe, leur seule envie est de passer à autre chose et non de réviser ce qu’ils ont vu dans la journée. Ils ne peuvent donc pas mettre à profit les bienfaits d’une révision intelligemment située dans le temps, car leur première révision arrivera trop tard.

Le lendemain ou quelques jours plus tard, le formateur ou l’enseignant passe à un autre sujet et soudain il y a de nouvelles choses à retenir. L’apprenant ne révise toujours pas ce qu’il a appris précédemment et ne le fera probablement pas avant plusieurs mois, avant qu’il soit confronté à un examen, un contrôle ou une mise en application dans la vie réelle.

Le problème lorsque la révision arrive trop tard, c’est qu’au lieu de modifier progressivement la courbe d’oubli pour que les informations soient de plus en plus mémorisées de manière permanente, l’apprenant voit sa courbe emprunter le chemin en pointillés sur notre graphique précédent et dès la première révision c’est quasiment comme si l’apprenant repartait de zéro, découvrait le sujet pour la première fois et donc oubliait presque tout, aussitôt.

Application dans la vie réelle

Vous avez compris le principe. Alors comment procéder dans la vie réelle pour suivre la méthode d’apprentissage enseignée par Hermann Ebbinghaus ?

Il est important de respecter le timing. Dès la première révision, il faut être à l’heure ! Tous les soirs l’apprenant devrait réviser ce qu’il a appris dans la journée, devrait revoir ses notes, les revoir le lendemain (en plus des nouvelles choses qu’il aura appris ce jour-là), puis prendre un peu de temps 1 heure ou 2 le week-end pour réviser tout ce qu’il a appris pendant la semaine.

Ça peut sembler ennuyeux de devoir réviser un peu le week-end, et certains apprenants peuvent rétorquer qu’ils manquent de temps pour réviser. Pourtant cela fait un gagner un temps inimaginable ! Pour l’apprenant, le choix est clair :

– Soit il révise 15 minutes lors de la première répétition, puis 10 minutes lors de la deuxième, puis 5 minutes lors de la troisième, etc. De moins en moins longtemps puisque les informations sont de plus en plus consolidées dans le cerveau et donc cela nécessite moins de travail. La preuve : dans notre graphique, la courbe rouge est de moins en moins haute à gravir à chaque nouvelle répétition. Tout ça jusqu’à flirter avec les 100% de rétention.

– Soit il ignore ce conseil et alors il passera une ou plusieurs heures à réviser avant son examen (ou ne révisera jamais) et il en oubliera 95% au bout de 3 jours.

Conclusion

Vous avez maintenant compris l’intérêt des révisions dans la mémorisation des informations à apprendre. C’est important lorsque l’on travaille dans l’enseignement ou la formation. Il faut donc prendre le temps de l’expliquer aux apprenants et pourquoi pas leur laisser un espace libre pour cela en fin de journée. À chacun de voir ce qu’il fait de cette méthode.

Enfin, ajoutons que la mémoire n’est pas une science exacte, donc concentrez-vous sur l’idée de fond de ce dont on vient de parler et non sur les chiffres ou les détails, qui peuvent varier selon de nombreux facteurs.

Vous savez maintenant pourquoi vous connaissez par cœur les paroles d’une chanson que vous avez entendu 100 fois, il y a longtemps, et plus du tout depuis 15 ans, alors que vous ne vous souvenez pas du film que vous avez vu il y a seulement 3 jours…

À bientôt pour d’autres articles sur ce genre de sujet !

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À propos de l'auteur :
Christopher DREAN-MORETTI
Christopher DREAN-MORETTI
Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
Christopher DREAN-MORETTI
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Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
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