Pourquoi et comment utiliser l’humour en Formation ?

Temps de lecture : 3 minutes

Quand on pense apprentissage, on pense forcément aux efforts qui l’accompagnent inévitablement et donc au sérieux du cadre dans lequel il a lieu. De la même façon, quand on pense au formateur, on peut être amené à lui associer une certaine figure d’autorité, et donc à nouveau nous imposer l’idée qu’il intervient dans un contexte qui ne peut qu’être sérieux. Pourtant, à chacun d’entre nous, l’intuition et l’expérience nous font entrevoir la possibilité qu’un apprentissage laissant une place significative à l’humour vienne contrarier cette idée reçue. Alors qu’en est-il vraiment ? L’humour en formation a-t-il un effet bénéfique sur les apprenants, leur motivation et leur apprentissage ? Si c’est le cas, alors comment s’y prendre et quels sont les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber pour que l’expérience ne tourne pas au cauchemar ? Abordons sérieusement ici le sujet de l’humour en formation.

AVANTAGES

Peu d’études ont vraiment été faites sur les liens entre humour et apprentissage, mais celles qui existent sont très claires et suffisamment exploitables pour en tirer quelques conclusions. Parmi elles, celle d’Avner ZIV, professeur de psychologie de l’Université de Tel Aviv. Dans L’humour en éducation (1979), il publie les résultats de ses expérimentations menées auprès de deux groupes d’étudiants durant un trimestre entier. Chaque groupe avait alors reçu l’enseignement de la même matière, mais l’un avec humour et l’autre sans. Le premier groupe a terminé le trimestre avec une moyenne de 86%, contre 73% pour l’autre.

De plus nombreuses études ont aussi mis en évidence le fait que nous serions plus susceptibles de nous souvenir d’une information ayant généré des émotions. C’est par exemple le cas de celle de Lisa Kugler et Christof Kuhbandner en 2015 en Allemagne. Allant dans le même sens, Avner ZIV, lui, avait relevé l’impact particulièrement positif de l’humour sur la mémorisation. Cela pourrait-il alors expliquer les meilleurs résultats de groupe d’apprenants ayant suivi l’apprentissage teinté d’humour ? Pas uniquement, à en croire ce qui suit.

En effet, dans la suite des travaux d’Avner ZIV puis dans ceux de Hugues Lethierry en 1997 et 1998, d’autres nombreux avantages se dessinent quand on envisage d’utiliser l’humour dans une session de formation. Selon eux :

  • L’humour diminue la distance psychologique entre le formateur et les apprenants,
  • Il fait régner une atmosphère agréable en classe,
  • Il rend, aux yeux des apprenants, l’apprentissage plus facile,
  • Il permet une perception plus positive du rôle du formateur,
  • Il diminue l’agressivité de certains apprenants soumis à une situation frustrante,
  • Il assure au groupe une meilleure cohésion,
  • Il augmente l’attention et la motivation des apprenants,
  • Il contribue à mettre à distance les conflits, à prendre du recul par rapport aux évènements,
  • Il favorise la créativité des apprenants.

On peut même ajouter que l’humour permet de désacraliser le savoir, de le rendre moins intimidant et donc de dédramatiser les erreurs ou l’ignorance.

Le formateur lui-même peut se sortir d’un moment inconfortable par un trait d’humour. On peut citer le fameux exemple du formateur commettant une erreur puis, après remarque des apprenants, s’échappant de la situation par le caustique « c’était pour voir si vous suiviez ».

COMMENT S’Y PRENDRE ?

Utiliser l’humour en formation est loin d’être une tâche aisée et le moindre faux pas peut réduire à néant tous les efforts mis en œuvre pour créer un climat favorable à l’apprentissage. De manière générale, l’humour à utiliser s’appuie sur la faculté qu’il a à relativiser l’échec et à faciliter les relations sociales, ainsi il ne peut pas aller à l’encontre des règles de bienveillance qui figurent parmi les fondamentaux d’une session de formation réussie.

Avner ZIV, notre professeur de psychologie, propose par exemple :

  • D’introduire des sessions par une anecdote, une histoire drôle ou une citation percutante,
  • D’assaisonner une matière sérieuse par un zeste d’humour (en allant par exemple chercher dans le sujet sérieux des éléments qui pourraient être illustrés, travestis ou exagérés de manière humoristique, comme faire parler des objets entre eux),
  • De prévoir des dispositifs d’enseignement ludiques, des jeux pédagogiques, des tournois, des challenges ou encore des énigmes,
  • De se présenter de manière comique, en posant sur soi un regard amusé,
  • De raconter quelques blagues, ce qui a en plus un bienfait sur la mémorisation,
  • Ou encore de présenter un bref exposé en recourant à des exemples et des moyens ludiques (en imposant par exemple une mise en scène originale ou surprenante).

ZIV précise aussi que l’humour peut particulièrement aider à souligner les concepts clés d’une formation. Bien sûr, ces techniques sont à varier, à multiplier, à adapter au public d’apprenants, au sujet et au contexte. Il ne faut pas oublier, et je me répète, que cet humour doit être bienveillant et qu’il ne doit pas être dirigé contre un apprenant. C’est d’ailleurs l’un des pièges auxquels il faut faire attention…

LES PIÈGES À ÉVITER

Puisque la salle de formation n’est rien d’autre qu’un microcosme de la société, y manier l’humour est parfois un exercice tout aussi périlleux que dans la vie quotidienne et ses conséquences sont tout autant susceptibles de se retourner contre son auteur, voire contre le groupe d’apprenants entier. D’où les multiples mises en garde qu’il est toujours utile de lister pour éviter de créer l’effet contraire à celui recherché.

Au fait que l’humour doit être adapté aux personnes que le formateur a en face de lui, notons que les limites d’un humour bienveillant sont outrepassées dès lors qu’on entre plutôt dans les domaines suivants :

  • L’ironie, le sarcasme, la moquerie : ils s’avèrent très dangereux lorsque le formateur les utilise en classe pour ridiculiser le comportement indésirable d’un ou plusieurs apprenants ; ils peuvent autant nuire à l’état d’esprit des personnes visées qu’à l’avis qu’elles se font du formateur (qui devient une sorte d’ennemi),
  • Un humour inapproprié : l’humour doit être approprié au profil des personnes auxquelles nous nous adressons, par exemple à leur âge ou leur fonction, à la situation, et les sujets de plaisanterie doivent autant que possible être neutres (évitons la politique, la religion, etc.),
  • Un humour toujours hors sujet, sans rapport avec le cours : détendre l’atmosphère dans la salle de formation, c’est bien, se servir de l’humour pour le mettre au service des apprentissages et de la mémorisation, c’est encore mieux. Alors évitons d’être en permanence hors sujet,
  • Trop d’humour : l’excès d’humour peut lasser et le rendre contre-productif, en devenant un distracteur plutôt qu’un facilitateur ; l’idée est par exemple de se limiter à 3 ou 4 sorties humoristiques par heure.

Enfin, toujours selon Avner ZIV, il est déconseillé de recourir à l’humour avant ou pendant un examen, car s’il diminue le stress chez certains apprenants, il a tendance à l’augmenter considérablement chez les apprenants les plus anxieux.

CONCLUSION

Comme nous nous en doutions en nous basant sur notre expérience, celle en tant que formateurs comme celle en tant qu’apprenants, l’humour a donc largement sa place dans les parcours d’apprentissage, puisqu’il présente de nombreux avantages, liés notamment au climat d’une session, au bien-être des participants, mais aussi à la mémorisation et à la motivation.

Les moyens d’intégrer de l’humour en formation sont nombreux et sont à l’initiative du formateur. Néanmoins, il existe quelques règles à suivre pour ne pas déraper et produire l’effet contraire à celui souhaité : adapter l’humour à son public, utiliser un humour neutre et bienveillant, ni sarcastique, ironique ou moqueur, ou encore le fait de ne pas en abuser.

Quoi qu’il en soit, nous serons tous à peu près d’accord pour dire que, même utilisé à bon escient et avec parcimonie, l’humour n’est pas une aptitude indispensable au bon déroulement d’une session de formation, comme on pourrait le dire de l’empathie par exemple, et il n’est pas une règle à suivre impérativement. Il est même préférable, si le formateur n’est pas à l’aise dans son maniement, de le laisser de côté et de miser sur ses autres qualités de pédagogues pour compenser cela. Après tout, l’humour n’en demeure pas moins qu’un outil pédagogique parmi d’autres, mais peut-être le plus agréable d’entre eux et définitivement une aide précieuse tant elle représente si bien la spécificité du genre humain face à l’avènement du digital, y compris en formation.

À bientôt pour d’autres articles sur ce genre de sujet !

Sources et ressources pour aller plus loin :

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À propos de l'auteur :
Christopher DREAN-MORETTI
Christopher DREAN-MORETTI
Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
Christopher DREAN-MORETTI
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Après avoir été référent technique, formateur puis Digital Learning Manager dans une grande société spécialisée dans les domaines du bâtiment et de l’immobilier, il met désormais cette expérience au service de DNL DIGITAL qu’il a cofondée et où il applique des solutions ludiques et pédagogiques permettant de placer l’apprenant au cœur de sa formation.
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